Quand des publications sur les réseaux sociaux avec des noms et des photos de personnes accusées par des victimes de violences sexuelles et de harcèlement sexuel produisent une déflagration sociale, sociétale et judiciaire, alors, une sorte de lame de fond vient ébranler le silence dans lequel la société préfère s'endormir chaque jour.
Des interrogations personnelles deviennent d'un seul coup publiques, de même des réflexions, des échanges, et des principes moraux se trouvent exposés alors qu'en général ils restent enfouis dans le fonctionnement familial, dans les cercles d'amitié ou encore dans le secret de la sphère professionnelle.
Des indignations et des surprises viennent bousculer le quotidien car dans notre société l'image, la réputation, le renom et le "paraître" sont des éléments essentiels dans nos rapports aux autres.
Des masques tombent en somme, ceux des criminels comme aussi, dans une certaine mesure, ceux des victimes.
Ces masques sont autant de faux semblants, de fausses croyances et parfois de mensonges, sur nous mêmes et entre nous-mêmes.
Tantôt notre société condamne la naïveté, l'authenticité, elle condamne la simplicité qui nous rend victime du crime ; tantôt elle défend l'indéfendable et elle tente de justifier l'injustifiable et trouver des circonstances atténuantes pour confondre l'erreur et la faute.
C'est ce point que je veux partager avec vous.
Quelle confusion morbide et surtout face à ce sujet mis à jour publiquement il y a quelques jours.
Vouloir autoriser de confondre l'erreur et la faute, la bêtise et le crime, l'attention sincère et l'agression verbale ou physique.
Quand des victimes réussissent à trouver ce courage de témoigner de leur agression, ce qui compte c'est de juger l'agression, l'agresseur et de condamner sans ambiguïté son crime.
Les violences sexuelles et le harcèlement sexuel, ne sont pas des faits de société, des histoires ou pire un buzz digital sur Instagram qui doit alimenter les cancans.
Les violences sexuelles et le harcèlement sexuel sont des crimes et ceux qui les commettent sont des criminels.
Ne nous perdons pas dans une éventuelle confusion.
Ne nous cachons pas derrière des excuses et des explications morales ou non.
N'acceptons pas de nuancer un acte criminel et de lui donner une justification faisant de nous les bourreaux complices des criminels.
Alors oui, une page sur les réseaux sociaux "balance" des "porcs" fait sensation.
Et les deux mots de son titre sont très certainement volontairement choquants.
Le premier est une invitation à "balancer", et dans nos systèmes de mœurs sociales , ce mot est aujourd'hui dans l'inconscient collectif un acte qui n'est pas honorable et même plutôt empreint de lâcheté. Être une balance ce n'est pas bien en somme.
Alors que, la loi confère aux citoyens une obligation de dénoncer tout acte délictueux et criminel.
De même, la loi qui est la même pour tout citoyen, qui nous oblige à comprendre que nous avons aussi ce devoir de porter assistance et secours dans la mesure de nos moyens.
Le second mot, "porc" est chargé de sens commun avec une connotation populaire très insultante. Dans un contexte sexuel, un porc est une personne clairement déviante aux attitudes totalement immorales.
Sans équivoque, il ne peut s'agir de quelqu'un de bien.
Dans le contexte des dénonciations actuelles, il s'agit de criminels.
Dès lors, face à la puissance de l'expression et des témoignages mis en ligne, les questions sociales, sociétales, juridiques et morales s'entrechoquent, et c'est là que la modernité du monde ultra connecté d'aujourd'hui montre aussi l'étendue de ses capacités.
Sur les aspects juridiques, beaucoup de dispositions légales existent s'agissant du droit à la présomption d'innocence, du droit à la protection de la vie privée et de l'image, du droit de porter plainte etc.
C'est le droit judiciaire qui autorisent et fixent les limites tout comme c'est le même droit qui atteste du crime et qui condamne les criminels.
Sur la question sociale et sociétale, pour ne pas dire humaine, c'est la victime qui atteste du crime et c'est à elle de trouver le moyen de le dénoncer puis de le prouver.
C'est aussi à la victime de se justifier au regard des autres. C'est elle qui est jugée par le tribunal populaire et moral avant le criminel souvent ou en même temps que lui, et parfois aussi même après que le criminel ait été condamné par la justice.
Il y a une colossale aberration que la justice ne permet ni d'anticiper ni d'éviter.
Quant à la question morale, c'est elle qui réserve toutes sortes de débats dans notre société. L'éducation reçue, les comportements et leurs limites, elle traite de ce qui doit être bien et de ce qui être mal. Bref, sur les aspects moraux, trop souvent, les violences sexuelles et le harcèlement sexuel ne sont pas des événements considérés comme relevant seulement de la seule responsabilité des agresseurs. La victime est quasiment systématiquement rendue peu ou proue responsable de ce qui lui arrive.
C'est pourquoi, il est urgent de sortir de toute cette confusion.
Il faut se rappeler que ce qui est le sujet ici ce sont bien les crimes qui sont enfin dénoncés.
Il ne s'agit pas de la simple drague "à deux balles" des coureurs des jupons qui savent s'arrêter au non consentement de leur cible.
Il s'agit de bien pire, Il s'agit encore une fois d'un comportement criminel.
Alors, il faut encourager la démarche de mise en lumière des crimes qui sont commis.
Il faut évidemment rester vigilant sur tout ce qui peut être révélé et qui ne relève pas d'un acte criminel.
Comme par exemple ne pas confondre un dialogue courtisan respectueux et consenti avec un harcèlement rempli de comportements et de mots relevant de l'agression d'une femme (sans exclure les cas concernant les hommes).
En plus clair, dire bonjour n'est pas un crime et ne pas répondre au bonjour reçu non plus.
Agresser verbalement et physiquement, violenter une femme de plus sans son consentement eh bien oui et définitivement oui : c'est un crime.
Que cette libération de la parole des victimes portent ainsi des fruits de justice, de guérisons et de réparations.
Nous avons tous la responsabilité de protéger l'intégrité humaine, et j'adresse un mot de solidarité à toutes les femmes qui ont souffert et souffrent de violences de tous ordres.
Être un homme doit pouvoir se mesurer à cette capacité d'être digne de garantir de l'amour, de la sécurité et du bonheur à la mesure de ses moyens et selon le désir des autres.
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